mardi 18 juin 2013

Fins d'emplois : aspect humain

Suite aux deux précédents billets sur les impacts et aspects légaux des fins d'emploi, voici peut-être le volet le plus important, l'aspect humain.

Culture d'entreprise
Comme l'embauche, les décisions de fins d'emploi ont un énorme impact et façonnent l'organisation. Selon les personnes qu'on embauche et par la suite, celles qu'on garde, la culture de l'organisation va se construire puis évoluer. Les fins d'emploi contribuent donc à l'essence même de l'organisation, ce qu'elle est, sa culture.

Impacts sur l'équipe
Les choix de l'organisation de conserver telle personne mais pas telle autre ont également une très grande influence sur les autres employés. Le congédiement est un des messages les plus forts qu'une entreprise peut envoyer à ses employés sur ce qui est accepté ou non et ils écoutent le message avec la plus grande attention : leur "survie" dans l'organisation en dépend. 

Impacts sur la personne congédiée
Finalement, il y a énormément d'impacts personnels sur la vie privée et l'estime de soi. Des recherches ont prouvé un lien fréquent entre la perte d'emploi et les problèmes de santé, de couple et familiaux. La décision de l'employeur va donc bien au-delà de régler un problème ou de couper un poste, même si la responsabilité des effets est bien entendu partagée. Rappelons que l'impact est beaucoup plus grand quand on est victime d'une action humaine (ex. congédiement), vécue comme un rejet, plutôt que d'un élément lié au hasard (ex. fin d'emploi pour raison économique).

Une fois qu'on prend conscience de ces effets, on peut en venir à éviter de congédier à tout prix ou le faire lorsqu'on en peut vraiment plus, ce qui n'est pas mieux parce qu'on nuit alors à l'ensemble du groupe. La meilleure façon est plutôt de suivre rapidement les problèmes, puis d'évaluer et aider l'employé concerné à revenir à une situation acceptable. Un processus de gradation des sanctions bien mené sert à cela. Il donne du temps, il permet la communication et d'évaluer s'il s'agit d'un problème temporaire ou permanent. La plupart du temps, il aide également l'employé à s'adapter à ce qui est attendu de lui et à prendre au sérieux le changement nécessaire. Le processus doit viser cette adaptation et non justifier la décision de congédiement. Il doit également supporter l'employé dans ce changement, par exemple en donnant de la formation ou en ajustant certaines tâches.

Comment humaniser le congédiement
Toutefois, lorsque le problème ne se règle pas, que la gradation des sanctions n'a pas donné les résultats attendus et que la fin d'emploi est la seule solution, il faut alors se montrer humain et faire le congédiement. Voici quelques éléments qui aideront à la faire :
  • lorsque la décision est prise, agir rapidement
  • préparer la rencontre en ayant en main les éléments importants (dossier, historique, etc.)
  • avoir un témoin, au moins neutre et si possible amical envers l'employé  
  • dans les cas délicats ou risquant de mal tourner, s'assurer la présence d'au moins une personne en qui l'employé congédié a confiance
  • respecter le rythme de l'employé mais ne pas tourner autour du pot
  • faire une pause au besoin
  • si la discussion tourne en rond, revenir aux faits
  • éviter d'exiger la quittance si l'employé est réticent à la signer immédiatement
  • laisser une place aux émotions même si elles ne sont pas agréables, mais sans les laisser devenir violentes ou menaçantes. Ce point est plus difficile à appliquer mais peut faire toute la différence dans les réactions futures de l'employé.
Finalement, il faut être conscient que ce qui semble rationnel, par exemple d'éviter les contacts de l'employé terminé avec les autres employés, peut avoir des effets négatifs importants sur l'équipe. J'entends souvent des "ils l'ont mis dehors comme en voleur, on a même pas pu lui dire au revoir". L'entreprise doit se protéger des actes impulsifs d'une personne en colère, en même temps si on se prépare bien, on peut laisser de la place pour que l'employé fasse ses adieux et vide lui-même ses tiroirs de bureau. Surtout si l'employé était en place depuis longtemps, le message de non confiance est très difficile lorsqu'on l'ajoute au choc du congédiement ou de la fin d'emploi non prévue.

Le congédiement n'est jamais facile ou simple, mais il n'est pas obligé d'être un traumatisme permanent pour le congédié, le gestionnaire et le reste de l'équipe. Des fois il est même un tremplin pour la personne.

2 commentaires:

aml a dit…

Je suis tout a fait d'accord avec l'expression "ils l'ont mis dehors comme en voleur, on a même pas pu lui dire au revoir". Ce ressentiment est aussi ce qu'eprouve la personne congediee. A part le cas de congediement pour faute professionnelle, qui lui merite une sanction, les autres cas de congediement se doivent de respecter la personne. Une entreprise a le droit de congedier pour preserver les emplois des autres employes, par contre elle se doit d'informer convenablement de sa decision et de laisser partir l'employe avec dignite. Lorsque l'entreprise decide de congedier du personnel pour sauver les autres emplois, elle devrait laisser a l'employe choisir le type de depart: immediat ou apres un certain delai, en fonction de la loi, du travail a terminer, du transfer de dossiers a d'autres employes, etc Ainsi l'employe ne se sentirait pas rejete, se sentirait respecte et reconnu, meme s'il a ete congedie.

Madeleine Fortier a dit…

Comme conseillère en transition de carrière, pendant plus de 20 ans, j'ai eu à accueillir plusieurs centaines de personnes qui avaient été licenciées. Elles n'avaient pas de dossier, n'avaient pas eu de mesures disciplinaires, mais ne correspondaient plus aux exigences de l'employeur. Il m'est arrivé de les accueillir en entreprise; j'ai souvent entendu les commentaires que vous citez, j'ai souvent eu conscience de blessures qui prenaient parfois du temps à guérir, l'impression d'avoir été utilisé puis rejeté parce que devenu inutile. Faire confiance à un employé pendant 10 ans, 15 ans, 5 ans, puis, lorsqu'on met fin à son emploi pour des raisons économiques, le faire surveiller et accompagner à la porte comme un voleur? Très peu logique...