mercredi 25 octobre 2017

Harcèlement, c'est assez ! édito

Avis : ce texte est un éditorial et donne mon opinion personnelle plutôt que mon habituel point de vue RH. 
Pourquoi est-ce difficile d'exprimer son refus ?

Comme beaucoup d'autres, j'ai eu envie de réagir suite aux dénonciations de vedettes pour "inconduites sexuelles". Leur dérapage a semblé tellement énorme et hors norme... en même temps la vague de témoignages qui a suivi a montré que c'était la partie la plus visible d'un gros iceberg bien lourd.

À bien y réfléchir, si on prend l'angle du harcèlement sexuel au travail et qu'on considère les petits incidents, on réalise que nous en avons tous été victimes ou témoins à un moment ou à un autre. Voici quelques-uns des incidents à caractère sexuel au travail que j'ai vus, vécus ou qui m'ont été racontés :
  • Dans une usine, un opérateur suggère à une nouvelle employée de lui faire visiter la "chambre noire" avec lui. L'employée est très gênée, les autres employés rient de la blague, qu'il fait régulièrement aux femmes de l'usine.
  • Au bureau, un ou plusieurs hommes émettent des commentaires sur ce qu'ils aimeraient faire avec les "gros seins" de la réceptionniste, devant elle. 
  • Quelques techniciens regardent un bout de vidéo porno. L'un d'eux crie à une employée qui passe devant leur bureau : "Hey L... je te verrais bien dans cette position... "
  • Dans un 5 à 7 de Noël, un des participants fait une blague afin de s'approcher de certaines des femmes présentes et pouvoir leur donner un bec mouillé ou une lichée sur la joue. Plusieurs femmes et moi-même avons été victimes de ce stratagème, très désagréable même après deux verres de vin. Les autres semblent trouver ça plutôt drôle, ou bizarre, mais la plupart ne montre pas de réaction.
  • Dans son bureau, un fournisseur de services me "pogne" soudainement la cuisse pendant une discussion d'affaires. Je fige de surprise, puis je repousse sa main, mais on poursuit la discussion comme si de rien n'était. Je n'ai plus jamais fait d'affaires avec lui.
Sauf pour le dernier qui est un peu à part, ces incidents ont en commun la gêne de la victime, un public qui en rit ou ne dit rien, et la répétition. En regardant de plus près, on peut comprendre un peu plus pourquoi il y en a encore trop : ni la victime ni le public ne disent rien au moment de l'incident, ni même après. Et tout le monde ou presque en minimise les impacts, qui sont pourtant grands quand on lit les témoignages des personnes qui en sont victimes.

Mais pourquoi personne ne dit rien ?
Je ne sais pas vraiment pourquoi les gens réagissent si peu. Peut-être parce qu'on est génétiquement ou culturellement programmés depuis l'enfance à respecter l'autorité, qu'elle soit celle d'un patron ou d'un groupe ? Ou le malaise de la sexualité, sujet plus qu'intime, qui s'invite là où on ne s'y attend pas ?

Sur le plan personnel, c'est encore plus mystérieux. J'ai suivi des cours de kung-fu. Je n'ai pas tendance à paniquer ou figer lors des accidents ou événements stressants. Je me considère comme une femme d'action, apte à m'exprimer et à réagir face à un comportement que je n'apprécie pas. Pourtant, les quelques fois où un homme a eu un geste sexuel non désiré, j'ai figé sur le coup, puis j'ai rejeté la main baladeuse ou me suis éloignée, mais je n'ai rien dit. La plupart du temps je me sentais mal à l'aise, plutôt gênée. Avec le recul, je me suis demandé à chaque fois pourquoi je n'avais pas été capable de dire un non affirmé et retourner la gêne vers celui qui avait posé le geste ?

Il est temps de briser ces "programmations" et l'employeur a un rôle important à jouer dans ce changement. J'écrirai bientôt un texte pratique sur les moyens que les gestionnaires et employeurs peuvent utiliser pour éviter le harcèlement sexuel au travail.

mercredi 18 octobre 2017

Réceptionniste et recrutement 3 - RH brutes

Un peu d'humour RH aujourd'hui.*

Ceci est la suite de mes billet no 1 et billet no 2 pour rappeler l'importance cruciale des réceptionnistes dans le recrutement, que ce soit activement ou par hasard comme ici…

 Mon troisième cas vécu m’a été raconté par Sylvie, une collègue en RH. Un chasseur de têtes l’appelle et réussit à la convaincre de le rencontrer. Ça se passe très bien et elle décide de lui confier le mandat.

Après l’avoir reconduit à la porte, Sylvie passe devant la réceptionniste, qui lui demande d’un air bizarre :
 – C’est qui ce gars ?
– Un chasseur de tête, il va essayer de nous trouver quelqu'un pour le poste d’ingénieur. Pourquoi ? Il a été malpoli ou…
– Non ! Il a plutôt été très, très, très gentil, tellement qu'il m’a offert de changer de job !
* RH brutes est mon alter ego plus sombre, le ton est plus mordant ou moins sérieux que dans mes billets habituels. Pour plus d'information, voir ce billet explicatif.

mercredi 11 octobre 2017

Meilleurs moments du Congrès RH 2017 - 1

J'ai passé deux belles journées au congrès RH fin septembre. Le thème était "Aller plus loin", ce qui englobait beaucoup de sujets : nouvelles technologies, transformations du monde du travail, innovation en gestion, etc. Une belle place a été donnée à l'intelligence artificielle, la numérisation des RH, la collaboration 2.0 ainsi que sur le futur du travail et les impacts que ces innovations auront sur les métiers en RH. Voici quelques-uns des meilleurs moments du  #congresCRHA 2017...

Première conférence avec Frédéric Laloux 
L'auteur du célèbre livre "Reinventing organizations : vers des communautés de travail inspirées" nous présente sa vision des entreprises de demain.

Il commence par les points de rupture de l'histoire, et nous serions actuellement en train d'en vivre une. Ces ères de changement amènent l'émergence d'entreprises différentes, qui réussissent et partagent un certain nombre de caractéristiques. Entre autres, aucune n'a de plan stratégique ou d'objectif et étrangement, elles fonctionnent malgré tout, souvent mieux que les entreprises traditionnelles !

Caractéristiques des entreprises en émergence
1- Autogouvernance 
Le processus de décision est différent, pas de démocratie ou de consensus, mais un ou des processus d'avis. Ainsi tous les employés peuvent décider, mais doivent consulter 1- les experts et 2- les personnes touchées par la décision. La hiérarchie traditionnelle se trouve remplacée par plusieurs hiérarchies naturelles (ex. experts, personnes disponibles, volontaires).

2- Plénitude
Il rappelle qu'actuellement, seule une petite partie de notre personnalité est valorisée dans les milieux de travail. On nous demande d'être rapide, rationnel, ambitieux et de mettre en veilleuse nos côtés plus minutieux, gentils ou créatifs. Les entreprises émergentes encouragent ses employés à présenter leur vraie personnalité et à réduire la place de l'ego dans leurs décisions et actions.
Ensuite, des valeurs communes très liées au sens du travail sont identifiées et respectées à tous les niveaux : par exemple, on ne demandera pas à un soignant de minuter son temps avec le patient ou à un artisan de réduire la qualité de son travail au nom de la productivité. Ceci donne un résultat vraiment étrange : ces entreprises obtiennent plus de productivité en "l'oubliant" qu'en la mettant en avant...

3- Évolution de la raison d'être 
Ces entreprises gardent constamment en vue la raison d'être de l'organisation et acceptent/favorisent son évolution selon "ce que l'organisation veut" et non ce que veut le patron, les actionnaires, etc.

Frédéric Laloux donne de nombreux exemples de ces entreprises : les vêtements Patagonia, Heiligenfeld Hôpitaux psychiatriques, Sounds True Media, FAVI équipementier automobile, AES Énergie, Sun Hydraulics, Morning Star Agroalimentaire... Et plus en détail l'entreprise Buurtzorg (soins de santé) qui compte 14 000 employés, mais aucun "manager" (gestionnaire)...

Pour aller plus loin
Billet de blogue de l'Ordre des CRHA sur Frédéric Laloux : Réinventer les organisations
Résumé détaillé d'une conférence de Frédéric Laloux par Nicolas Cordier

mercredi 4 octobre 2017

Congédier pour incompétence... - 2

Rappel : étant donné l'aspect légal et délicat des fins d'emploi, si vous ne l'avez pas lu, svp relire mon avertissement, qui s'applique particulièrement lorsque j'aborde ces sujets.

Nous avons vu dans le premier billet ce qu'est le congédiement administratif, entre autres dans le cas où un employé est incapable d'apprendre de nouvelles tâches ou de continuer à assumer les tâches existantes pour des raisons hors de son contrôle.

Nous avions également vu que l'employeur doit respecter les mêmes étapes que pour le congédiement disciplinaire, mais sans les sanctions. Voici ces cinq étapes avec des commentaires pour tenir compte du contexte particulier de l'incapacité de l'employé :

1- Informer le salarié de ses attentes et des politiques de l'entreprise   et 
2- Lui signaler ses lacunes
3- L'informer clairement de la possibilité d'un congédiement à défaut d'amélioration de sa part
L'employeur doit discuter avec l'employé de ses attentes et des difficultés observées et idéalement il devrait les lui transmettre par écrit, au moins en résumé. Il doit également clairement indiquer les conséquences si l'employé était incapable de s'améliorer, incluant la possibilité d'un congédiement. Ces échanges doivent être documentés.

4- Lui apporter le soutien nécessaire pour se corriger et atteindre les objectifs  et 
5- Lui accorder un délai raisonnable pour s'ajuster
S'il ne lui accorde pas un délai et un soutien raisonnables, l'employeur peut difficilement démontrer qu'il voulait réellement aider l'employé à rester dans l'emploi, ce qui nuit fortement au dossier de l'employeur en cas de plainte. Et le remplacement est souvent plus coûteux que de soutenir ou former un employé déjà en poste. 

Vous retrouverez ces étapes expliquées de façon détaillée dans cet article de la CNESST, basé sur la jurisprudence. Si ces étapes n'étaient pas respectées, l'employé qui porterait plainte à la CNESST pour congédiement sans cause juste et suffisante aurait de bonnes bases pour remporter sa cause.