vendredi 30 novembre 2012

Colloque normes du travail - nouvelles réalités - 4

J'avais assisté à un colloque portant sur les nouvelles réalités du travail en novembre 2011 organisé par la Commission des normes du Québec (CNT).  Suite aux billets du 23 novembre et 8 décembre 2011 et celui du 26 novembre 2012, voici la fin de cette série portant sur les éléments les plus intéressants entendus durant ce colloque.

Temps supplémentaire à taux et demi, des changements ?
Lors d'un panel avec Florent Francoeur de l'ORHRI et les représentants de la CNT, le public a posé une question sur les vacances et congés donnés durant les périodes tranquilles en compensation de temps supplémentaire effectué durant les périodes occupées. Les normes du travail obligent tout employeur à payer ou à "banquer" les heures à taux et demi en haut de 40 heures/semaine. Par contre, le phénomène de banquer à taux simple est très répandu et permet aux entreprises une certaine souplesse au lieu de simplement contrôler de façon rigide les heures supplémentaires pour limiter les coûts liés aux salaires. Tellement commun en fait, qu'on a entendu plusieurs participants marquer leur intérêt durant la question ou retenir leur souffle en attendant la réponse de la représentante de la CNT. Elle a malheureusement donné une vague réponse parlant de souplesse mais aussi de normes "qui ne changeront pas" d'ici peu.

Préoccupation des employeurs
Dans leurs questions aux conférenciers, les employeurs ont également parlé de leurs préoccupations actuelles. Certains ont rappelé que les attentes de leurs employés et les exigences implicites de rendement, entrent souvent en conflit avec les normes légales. Celles-ci sont très lourdes pour les entreprises, surtout les PME : une entreprise doit faire face à plus de 500 obligations au Québec et peut-être 800 au Canada.

Un autre a mentionné que le commerce de détail était un peu oublié. Souvent plus encadré mais disposant de moins de moyens, les petits commerçants vivent également une plus grande difficulté à recruter depuis quelques années.

Quelqu'un suggère de développer l'économie du savoir plutôt que de tenter de réduire les coûts parce qu'on ne pourra jamais vraiment concurrencer les bas coûts des pays producteurs.

Finalement, un employeur donne l'exemple de la concurrence déloyale. S'il gère correctement pour éviter le temps supplémentaire, certains employés prennent un deuxième emploi à temps partiel chez un concurrent qui n'hésite pas à payer au noir ou commet d'autres infractions aux normes.

En conclusion, les normes du travail doivent tenir compte d'une multitude de facteurs et d'intérêts souvent divergents. Mais depuis quelques décennies, les législateurs doivent également composer avec une accélération des changements, une mutation du monde du travail et de la circulation des informations. Tout un défi pour des personnes devant tenter d'édicter des lois qui tiendront le coup durant plusieurs dizaines d'années et influenceront directement la vie de millions de travailleurs et presque autant d'employeurs.

Pour voir la série des quatre billets sur ce thème, cliquer ici.

lundi 26 novembre 2012

Colloque normes du travail - nouvelles réalités - 3

J'ai retrouvé des notes prises durant un colloque portant sur les nouvelles réalités du travail il y a un an, organisé par la Commission des normes du Québec (CNT). Il me restait plusieurs éléments que je n'avais pas inclus dans mes billets du 23 novembre et du 8 décembre 2011, voici les plus intéressants.

Plaintes à la CNT : surtout lorsque l'emploi est terminé
Une statistique mentionnée confirme ce qu'on savait déjà : 83% des personnes qui portent plainte à la CNT ne sont plus en emploi. Les fins d'emploi sont donc le moment le plus délicat lorsqu'il s'agit des risques d'être convoqués par la CNT.

Nouveautés et nouveaux phénomènes
La CNT offre maintenant aux salariés une application "ma paye" qui leur permet de comptabiliser les heures et effectuer des validations et calculs liés à la paie.

Dans un autre panel, des conférenciers présentaient quelques phénomènes nouveaux, par exemple des salariés qui veulent travailler ou obtenir d'autres aménagement d'horaires une semaine sur deux parce qu'ils ont une garde partagée pour leurs enfants.

Des employeurs ont rapporté que des employés venaient se plaindre qu'ils aient embauché d'autres personnes au lieu de leur donner du temps supplémentaire.

D'autres conférenciers ont rapporté que le travail se faisait de plus en plus par projet, avec des contrats à durée déterminée ou non. Le 40 heures semaine tend à disparaitre, vu qu'il est de plus en plus difficile d'évaluer le temps réel du travail dans le domaine du savoir, versus les anciennes tâches liées à la fabrication. De plus, les outils permettant de joindre les travailleurs en tous temps compliquent cette évaluation. On note une tendance à une intensification du travail, un brouillage des identités et réseaux du travail et vie personnelle. Rappelons que 20% des Canadiens apportent du travail à domicile et 5% font du télé-travail.

L'employeur aussi, veut produire plus à moindre coût et réagir rapidement. Il tend donc à utiliser plus du personnel ponctuel, par exemple des agences. Par contre le non respect des normes se diffuse plus facilement par les médias sociaux et peut lui nuire durant les périodes où le recrutement est moins facile.

Prochains changements aux normes du travail ?
La CNT présente quelques hypothèses qu'elle explore pour orienter les prochaines lois :
  • Entente obligatoire à l'embauche sur les heures supplémentaires
  • Modulation des amendes aux employeurs fautifs
  • Révision des dispositions sur l'étalement du temps
  • Plus d'information et de sensibilisation auprès des clientèles à risque
La suite et fin dans un prochain billet. Pour voir la série des quatre billets sur ce thème, cliquer ici.

jeudi 15 novembre 2012

TruParis 1 - Le site carrière est-il encore utile ?

Cybèle Rioux et Sandrine Théard - animatrices de
l'atelier "Le recrutement est-il meilleur au Canada?"
Le 26 octobre dernier, j'ai eu la grande chance de participer au TruParis, ce fut intense et très enrichissant.

Ce billet est le premier d'une série présentant quelques unes des idées et citations qui m'ont interpellée durant ce non-évènement.

Si les Tru vous sont inconnus, je vous invite à consulter les sites de TruMontreal et TruParis pour vous en donner une idée.

Le premier atelier était À quoi sert le site carrières des entreprises
animé par Marie-Pierre Fleury de ID Carrières et Christophe Fourleignie.

Si le site carrières a souvent été mis au centre de la stratégie de recrutement, il va probablement devenir un outil parmi d'autres. Les participants se sont entendus qu'il restera essentiel, au moins pour regrouper l'ensemble des informations RH.

Une question intéressante a surgi : Linkedin sera-t-il capable de prendre la place du site carrières des entreprises ? Si oui, Linkedin risque-t-il alors de formater le processus de recrutement d'une façon qui pourrait réduire la portée de l'image employeur, la créativité du processus ? Sans compter l'aspect de "Linkedin dépendance" comme le soulignent nos amis Français.

Les réseaux sociaux sont un outil plus intéressant pour les PME (que le site carrière) parce que ces dernières n'ont pas la notoriété des grandes entreprises qui génère un bon trafic vers leur page carrière. Parlant de notoriété, un des participants rappelle qu'Apple, l'entreprise la plus "attractive" au monde, recrutait seulement par un onglet "valeurs", même si une recherche montre qu'ils ont maintenant eux aussi un site carrières.

Migration vers les sites "mobiles"
Des participants ont comparé le nombre de candidats qui passaient par leur site mobile (destiné aux téléphones intelligents et tablettes). L'un comptait 1% des candidatures, tandis qu'un autre (une université) comptait 0.8% il y a un an. Ce chiffre a explosé depuis à environ 10% en augmentation de plus de 1200%.

Chaque canal atteint un type de candidat différent selon un des participants. On conclut que chaque outil ou source qui génêre des candidatures a sa place et qu'il faut en suivre l'évolution.

Certains utilisent des idées créatrices pour atteindre les candidats par des moyens inusités. Ikéa a inclus des pamphlets à l'intérieur des boîtes des meubles vendus aux clients avec la mention "vous aimez nos produits, venez travailler chez nous!" Une des participantes donne l'exemple de son entreprise. Ils donnent un cours d'informatique gratuit à un groupe d'étudiants, ce qui leur permet de les évaluer et de proposer un poste aux plus intéressants.

Un autre estime que les candidats regardent d'abord les offres d'emploi, ensuite le processus de recrutement, et finalement le contenu complémentaire comme le site carrières et le site d'entreprise. Le site carrière serait très secondaire selon lui.

Plusieurs pensent qu'il y a beaucoup à améliorer dans la communication de l'offre d'emploi. L'une parle de son entreprise : "Nous avions un énorme SIRH et seuls les recruteurs participaient à son amélioration, maintenant plusieurs départements sont impliqués et le processus et plus efficace".
L'animateur rappelle que le processus RH fonctionne très bien "en laboratoire" mais grippe en cas de grain de sable. Or, avec la multiplication des canaux, il y en a de plus en plus de grains de sable.

Un débat est lancé juste avant la fin : faut-il personnaliser ou individualiser le processus de recrutement ? Nos amis français maîtrisent bien le vocabulaire, mais j'ai dû faire une recherche sur Wikipédia pour m'assurer de la distinction : personnaliser veut dire adapter le message en fonction de la personne et des informations que l'on possède sur elle dans la base de données. Tandis qu'individualiser, plus philosophique, signifie qu'on reconnaît l'usager comme un individu distinct du groupe sans nécessairement adapter le message en fonction de sa personnalité virtuelle. Et vous, pensez-vous que le processus de recrutement doit faire l'un ou l'autre pour fonctionner ?

À suivre !

mardi 6 novembre 2012

L'humain avant le papier !

En ressources humaines, on parle souvent de politiques, celles au pluriel, par exemple des politiques de formation, de rémunération ou de code vestimentaire. Écrites ou verbales, elles ont une grande influence en entreprise : les employés s'en servent pour savoir ce qui est accepté ou non, et l'entreprise pour guider ses gestionnaires, appuyer ses décisions et intégrer les nouveaux employés.

Par contre, comme tout élément de communication, la force d'une politique tient surtout dans la façon de l'appliquer. Ce n'est pas tout de l'écrire ou le dire, comme le dit bien l'expression populaire : "faut que les bottines suivent les babines"...

Or, quand on écrit une règle, celle-ci devient plus tangible, plus forte, et peut être très efficace, pensez aux mesures disciplinaires ou aux échelles salariales. Il est tentant de les utiliser pour tenter de régler tous les problèmes et incertitudes, même pour ce qui n'est pas arrivé encore.

Peut-être parce qu'on craint la réaction des destinataires, qu'on est pressé ou qu'on considère les échanges en personne comme une perte de temps, il arrive souvent que l'on diffuse ces règles sans les expliquer, sans les "vendre" ou sans les valider avec la réalité vécue par ceux qui devront les utiliser. L'écrit permet une distance, parfois utile, mais plutôt nuisible s'il passe avant les facteurs humains. Si vous ne l'avez pas lu, cliquer ici pour voir mon précédent billet éditorial sur la distance en gestion.

Voici trois bonnes raisons de faire passer "l'humain avant le papier" :
  • on évite l'impression que l'auteur se cache derrière sa politique
  • la communication permet d'observer les effets et de s'ajuster dès le départ
  • elle est un outil de reconnaissance et de mobilisation : en "vendant" l'idée et en écoutant les retours des employés, ceux-ci se sentent concernés, impliqués et importants, même s'ils ne sont pas d'accord avec ce qui est présenté.
En terminant,un article très intéressant paru dans Québec-Science rappelle que pour être heureux, l'employé a trois besoins fondamentaux dont l'un est le besoin de reconnaissance (cliquer ici pour le voir). Et quelle reconnaissance peut-il y avoir si une simple feuille de papier passe avant un employé ?